Walt Disney: quatre temps

Publié le par Mouton Fou Le Grand

 

Walt Disney est un nom chargé de significations diverses.  Walt Disney est évidemment un homme, le fondateur du studio et des parcs qui portent son nom.  Mais Disney est un terme qui rappelle l'enfance et l'innocence, la joie de la découverte et de l'émerveillement.  Il est impossible de rendre justice à une telle institution dans ces quelques lignes et j'ai aucunement l'intention d'essayer.  Ici, je développerai uniquement un aspect des réalisations du studio : les longs métrages d'animation.  En fait, cette histoire est bien connue et documentée mais je propose une division de cet historique en quatre temps : l'époque Walt Disney, l'époque post-Disney, le nouvel empire et l'époque actuelle.  C'est aux deux dernières sections, celles qui évoluent actuellement et sur lesquelles il y a relativement peu d'écrits, que je m'attarderai plus profondément.  Ainsi, j'espère faire ressortir les tendances modernes du studio et ajouter à la compréhension globale de l'histoire du cinéma.

Walt Disney Steamboat Willie

Walt Disney :

L'historique des longs métrages d'animation américains débute en 1937 avec Snow White And The Seven Dwarfs (Sharpsteen).  Walt Disney, créateur de Mickey Mouse en 1928, était un homme de risque et il avait un rêve : créer un studio d'animation indépendant et profitable.  Le succès d'une multitude de courts métrages d'animation dont le premier film d'animation sonore Steamboat Willie (mettant en vedette Mickey Mouse) encouragea Disney à tenter le tout pour le tout.  Heureusement, Snow White fut un succès international et le rêve de Walt Disney se réalisa.  De 1937 à sa mort en 1966, Walt Disney produit une série de longs métrages d'animation qui, encore aujourd'hui, impressionnent par leur beauté, leur originalité et leur innocence.  Ils sont pratiquement tous des classiques et malgré leurs réalisateurs respectifs, ils sont tous fortement imprégnés de la touche personnelle de Walt lui-même.  Le troisième long métrage du studio, Fantasia (Sharpsteen, 1940), est le mariage parfait de musique classique et d'animation traditionnelle.  Avec chaque nouveau film, Disney expérimente et pousse les limites artistiques et technologiques de l'animation.  Lady And The Tramp (Jackson, Luske, Geronimi, 1955) est le premier film d'animation tourné en CinémaScope (2.35/1) et One Hundred And One Dalmatians (Geronimi, Luske, Reitherman, 1961) est le premier film à se servir du principe de la photocopie Xerox, une économie importante dans le monde de l'animation.  The Jungle Book (Reitherman), présenté en 1967, est le dernier film produit sous la direction de Walt Disney.

Mickey dans Fantasia                Snow White And The Seven Dwarfs

Post-Disney :

La mort de Walt Disney en 1966 fut un événement catastrophique à la fois pour le studio qu'il avait créé que pour la qualité des films d'animation du studio.  Bien que les films réalisés dans les années suivant sa mort sont acceptables, particulièrement si l'on considère le public visé, ils ne retiennent rien de l'essence des films de "l'oncle Walt".  Toute la gaieté et l'innocence de ces films disparaît pour laisser place à une atmosphère lourde, parfois même lugubre.  Plusieurs des histoires ont lieu dans un milieu urbain et présentent des personnages humains plutôt désagréables.  Le visionnement de The Aristocats (Reitherman, 1970) ou encore The Black Cauldron (Berman, 1985) rend très évident ce changement de ton.  Malgré tout, quelques films de cette époque demeurent intéressants dont The Rescuers (Reitherman, Lounsbery, Stevens, 1977) et The Fox And The Hound (Stevens, Rich, Berman, 1981).   A cette époque, plusieurs futurs réalisateurs importants se trouvent à l'emploi du studio comme animateurs dont John Lasseter, créateur du premier long métrage entièrement numérique de l'histoire, Toy Story (1995), et Tim Burton qui écrivit le poème The Nightmare Before Chritmas alors qu'il se trouvait chez Disney.   Les deux quittèrent Disney, désillusionés mais prêts à vivre de nouvelles aventures.

Nouvel empire :

En 1984, le studio Disney réorganise sa structure administrative et Michael Eisner, l'ancien président de Paramount, prend en charge la production des films d'animation du studio.  En collaboration avec Jeffrey Katzenberg (de Paramount aussi) et Frank Wells (de Warner Brothers), Eisner organise et revitalise le studio d'animation et réussit à produire une série extraordinaire de films qui, tout en conservant la magie et l'esprit des films de Walt Disney, sont des oeuvres indéniablement modernes tant au niveau technique que thématique.  En voici la liste accompagnée de quelques commentaires :

The Little Mermaid (John Musker et Ron Clements, 1989)

ArielThe Little Mermaid est le premier film de l'ère moderne chez Disney et demeure encore aujourd'hui une oeuvre unique et captivante.  Plusieurs éléments constitutifs de cette période sont présents dans le film.  Le personnage principal du film est une héroïne forte et indépendante.  Bien qu'Ariel tombe amoureuse d'Eric, elle n'a pas besoin d'un prince charmant pour agir ou pour la sauver.   SebastienBelle, Jasmine, Esmeralda, Pocahontas, Megara et Mulan doivent tous quelque chose à Ariel.  Les chansons de The Little Mermaid suivent une structure bien précise qui est la charpente à partir de laquelle tout film d'animation est produit chez Disney.  Finalement, le film remporta 84$ millions au box-office, un record à cette époque pour un film d'animation.

Beauty And The Beast (Kirk Wise et Gary Trousdale, 1991)

Beauty And The Beast est le deuxième film de l'ère moderne et il apporte avec lui quelques nouveaux éléments qui sont maintenant indispensables aux films Disney.   D'une part, la scène du bal présente Belle et Beast, deux personnages animés traditionnellement (à la main), qui dansent dans un environnement animé à l'ordinateur.  Cette scène est le point tournant du film et l'utilisation de l'image numérique fut un risque à une époque où celle-ci n'avait pas connu une grande utilisation dans le monde de l'animation mais heureusement, l'expérience fut une réussite. Depuis, tout film de Disney utilise l'image numérique.  Beauty And The Beast  présente la même structure musicale que The Little Mermaid mais la chanson thème est reprise par Céline Dion lors du générique final.  L'utilisation d'une vedette de la musique populaire pour mousser les ventes du film et de sa bande sonore est une pratique courante aujourd'hui.  Le film remporta deux Oscars pour la musique : meilleur musique et meilleur chanson.  Mais c'est la nomination du film aux Oscars de 1991 comme meilleur film de l'année qui retient généralement l'attention.  Il s'agit du seul film dans l'histoire du cinéma à avoir mérité cet honneur.  Humoristique, vivant et d'une grande beauté, le film met en scène des personnages attachants et réussit l'exploit d'attirer une clientèle de plus en plus variée et cosmopolite au cinéma d'animation de Disney.  Avec ce film, les adultes ne font pas simplement accompagner leurs enfants au film, ils y trouvent aussi un intérêt.  Finalement, quelques références subtiles au Cuirassé Potemkin (Eisenstein, 1925) et à The Sound Of Music (Wise, 1965) sont aussi au rendez-vous.   Pouvez-vous les repérer ?

Aladdin (John Musker et Ron Clements, 1992)

Cela semble relever de l'évidence mais il fallait que quelqu'un le fasse : demander à Robin Williams de prêter sa voix et son talent d'improvisation à un personnage animé.  Bien qu'Aladdin est un film remarquable en soi, c'est Robin Williams qui demeure l'attrait principal du film.  Sa présence a donné naissance à trois nouvelles tendances chez Disney.  Primo, les grandes vedettes d'Hollywood prêtent tour à tour leur voix à ces films.  Mentionnons seulement Jeremy Irons et James Earl Jones (The Lion King),Mel Gibson (Pocahontas), Kevin Kline et Demi Moore (The Hunchback Of Notre-Dame), James Woods et Dany DeVito (Hercules).  Secundo, Robin Williams dépasse les bornes de la comédie infantile et s'adresse souvent à un public adulte dans son rôle du génie.  Citons les imitations de Jack Nicholson, Ed Sullivan, Rodney Dangerfield et Arsenio Hall en guise d'exemples.  Désormais, les films Disney comportent des éléments plus matures sans pour autant perdre de leur charme.  Tierso, l'autoréférence est présente dans une imitation des fameuses publicités de Walt Disney World.  Tout film d'animation du studio fait dorénavant référence aux précédents de façon visuelle ou auditive.  A vous de repérer ces clins d'oeil !  Voyez-vous Belle avec son livre qui marche près de Notre-Dame ?  La Bête se cache dans une pyramide de jouets miniatures construite par le père de Jasmine...

Le génie imite Jack Nicholson...

The Lion King (Roger Allers et Rob Minkoff, 1994)

The Lion King représente l'apogée du cinéma d'animation.  Le film poursuit la nouvelle tradition établie par ces trois prédécesseurs : animation fluide, chansons populaires (particulièrement Hakuna Matata), structure musicale en cinq parties et vedettes prêtant leur voix aux personnages.  Mais The Lion King se démarque aussi sur quelques points.  Contrairement aux trois derniers films, The Lion King est une histoire originale, c'est-à-dire que les scénaristes n'ont pas puisé le récit d'une oeuvre pré-existante bien que l'on pourrait facilement affirmer que le film puise dans plusieurs contes et même dans les premiers films de Disney, Bambi (Hand, 1942) en particulier.  Il est le seul film de l'ère moderne à mettre en vedette uniquement des animaux comme personnages principaux.  Aussi, l'histoire du film est sobre et triste.  La mort de Mufasa n'est pas sans rappeler celle de la mère de Bambi mais cette fois, la mort est belle et bien démontrée.  Cette tendance à mettre en scène des histoires plus sérieuses et réalistes fut un risque énorme pour le studio mais le film devint le cinquième film le plus profitable de l'histoire en 1994, rapportant plus de 435$ millions au box-office !

Pocahontas (Mike Gabriel et Eric Goldberg, 1995)

Suite au succès toujours croissant des quatre derniers films chez Disney, il est inévitable qu'un film devait décevoir.  Seulement, attention !  Pocahontas est bien loin d'être un mauvais film, il souffre surtout de la comparaison avec les autres réalisations modernes de Disney.  L'animation et les chansons sont toujours de la partie mais l'histoire, peut-être trop lourde cette fois, laisse peu de place à l'humour.  Le manque le plus remarquable est sans contredit un antagoniste menaçant.  Ici, le vilain réel du film est l'intolérance raciale et culturelle, un sujet digne d'intérêt bien sûr, mais peu emportant dans le contexte d'un film animé.  Il n'en demeure pas moins que Pocahontas est une réussite.

The Hunchback Of Notre-Dame (Kirk Wise et Gary Trousdale, 1996)

Le studio Disney poursuit son évolution des films d'animation traitant de sujets plus sérieux avec cette adaptation du roman de Victor Hugo.  Ce film est remarquable en tout points.  Les images sont d'une beauté extraordinaire et l'animation numérique prend ici une place plus importante dans la réalisation d'un film d'animation traditionnel.  La musique d'Alan Menken et les chansons de Stephen Schwartz sont parmi les plus belles compositions du studio Disney à ce jour.  Le casting des voix est d'une justesse sans pareil et le film présente un univers crédible de Paris à l'aube du siècle dernier.  The Hunchback Of Notre-Dame se démarque des autres films Disney par le traitement des moments sérieux de l'histoire sans hésitation ou censure.  Bien que certains films du passé ont présenté des scènes difficiles pour un public jeune (la mort de Mufasa, les fantômes et le diable de Fantasia), celui-ci dépeint une série d'événements dramatiques de manière très réaliste incluant le meurtre de la véritable mère de Quasimido par Frollo, le désir sexuel obsessionnel de ce dernier pour Esmeralda (incluant une scène de fantasme / culpabilité religieuse plutôt dérangeante), l'humiliation de Quasimodo par la foule parisienne et l'assaut de la cathédrale elle-même.  Le cinéma d'animation chez Disney n'est désormais plus réservé aux enfants.

Hercules (John Musker et Ron Clements, 1997)

La rencontre de la mythologie grecque et de l'animation Disney fut un risque pour le studio et le film se démarque en deux points de ces prédécesseurs.  D'une part, le style de l'animation adopte une esthétique plus fidèle à son sujet.  Les personnages de Hercules sont une hybridation de l'animation en cercles, la marque de commerce de Disney (pensez à Mickey), et des lignes étirées aux angles tranchants de la peinture antique.  Le résultat est un look original, à la fois moderne et ancien.  D'autre part, la musique suit le parcours inverse.  Plutôt que de marier le style musical de Disney avec la musique grecque, les chansons du film présentent une variété de styles, notamment le gospel, rythm and blues, motown et pop.  Ces genres, principalement associés à la musique ethnique noire américaine sont un contrepoint remarquable à l'univers du film et soulignent très subtilement le caractère universel de ces histoires.  Aussi, la chanson d'amour est cette fois un signe clair du statut de l'héroïne moderne : "I won't say I'm in love".   C'est le cliché renversé !

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Mulan (Barry Cook et Tony Bancroft, 1998)

Contrairement à Hercules, Mulan n'offre pas de croisement de genres.   Il s'agit ici d'un récit traditionnel de la Chine et le film est imbu de la culture chinoise.  Les grands préceptes de la tradition asiatique sont tous au rendez-vous : prière aux ancêtres, respect de la famille et des traditions, l'honneur avant toutes choses et le symbole du dragon.   Bien que Mulan est un conte chinois, certains moments du film ne sont pas sans rappeler les films épiques de samouraïs du réalisateur japonais Akira Kurosawa.  Mulan poursuit la nouvelle tradition de l'héroïne indépendante et intelligente.  Celle-ci doit même affronter les préjugés de sa culture envers les femmes et le film ne passe pas sous silence cette chaude question.  En fait, il s'agit du thème principal du film.  Bravo à Disney pour leur audace ! 

Tarzan (Kevin Lima et Chris Buck, 1999)

Avec Tarzan, Disney s'attaque à une histoire connue et qui a déjà fait l'objet de nombreuses adaptations cinématographiques.  Malgré ce fait, le film est surprenant à plusieurs niveaux.   Afin de plonger le spectateur dans la peau du héros créé par Edgar Rice Burroughs, le studio Disney a mis au point un système d'animation numérique Tarzan et Jane : sketch de pré-productionqui permet aux artistes peintres de travailler directement l'environnement dans la troisième dimension.  Ce système nommé Deep Canvas (ou Canevas Profond) absorbe complètement le spectateur dans l'aventure et les images du film sont d'une beauté incroyable.  Au niveau musical, Tarzan est une première pour Disney dans l'ère moderne.  En effet, les chansons du film ne sont pas chantées par les personnages eux-mêmes à l'exception de quelques courts moments.  C'est Phil Collins qui, tout au long du film, se tient garant de la narration musicale.  Il a d'ailleurs enregistré les chansons en cinq langues : anglais, français, italien, allemand et espagnol.  Il en résulte un film où les personnages nous semblent plus détachés que les précédents.  Il n'en demeure pas moins que Tarzan est un excellent film qui réussit à rendre crédible la relation entre Tarzan et Jane, un point souvent faible dans les autres versions cinématographiques de l'histoire.  De plus, le personnage même de Tarzan et le dilemme qui est son appartenance à deux mondes, celui des hommes et celui des singes, est ici très bien exploité.

Le nouveau millénaire : quatrième ère

Avec l'arrivée du nouveau millénaire, les studios Disney se trouvent devant une situation nouvelle : la compétition.  Depuis quelques années, le cinéma d'animation n'est plus le domaine exclusif de The Prince Of EgyptMickey Mouse et compagnie.  Les studios Dreamworks S.K.G. (Spielberg, Katzenberg, Giffen) ont réalisé deux films d'animation importants.  The Prince Of Egypt (Chapman, Hickner, 1998) est un film superbe et un succès commercial important qui emprunte la formule Disney des films d'animation modernes pour adapter l'une des plus fascinante histoire de l'humanité, celle de Moïse.  The Road To El Dorado (Bergeron, Finn, 2000) est le deuxième film animé par la Dreamworks et malgré ses faiblesses, permet à son studio de soutirer une part du monopole du marché infantile dont profitait Disney depuis bien longtemps déjà.  Twentieth Century Fox en fait autant avec Anastasia (Bluth, Goldman, 1997) et Titan A.E. (Bluth, Goldman, 2000) ainsi que Warner Bros. avec The King And I (Rich, 1999). 

Il semble clair que Disney doit redoubler ses efforts devant tant de compétition et déjà les effets se font sentir dans la diversité des oeuvres animées que le studio présente cette année.  Fantasia 2000, Dinosaur (Leighton, Zontag, 2000) et The Emperor's New Groove (Dindal, 2000) ne s'inscrivent absolument pas dans la continuité des films d'animation modernes du studio Disney.  S'agit-il du début d'une nouvelle ère chez Disney ?  Seul le temps nous le dévoilera...

Fantasia 2000 (réalisateurs variés, 1-1-2000)

Le premier janvier 2000, les studios Disney profitent de l'occasion pour lancer le tout premier film de cette ère : Fantasia 2000.  Initialement conçu comme une oeuvre en devenir continuel, le Fantasia original attendra soixante ans pour ce deuxième volet.  Fantasia est une expérience unique au cinéma et ne s'inscrit pas dans la continuité des films modernes Fantasiad'animation du studio Disney d'abord par son contenu non-narratif et ensuite par le format IMAX qui fait figure d'exception (au moment se sa production) dans la filmographie Disney.  Malgré tout, Fantasia 2000 est une oeuvre filmique importante et une réussite éblouissante.  Comme l'original, ce Fantasia présente une série de vignettes animées qui illustrent chacune une pièce de musique classique.  Le format IMAX est idéal pour rendre justice à l'expérience sonore de l'orchestre symphonique mais l'animation elle-même, quoique très belle, ne profite pas beaucoup de son immensité.  Fantasia 2000 se démarque de l'original par l'éventail de ces choix musicaux et des styles d'animation qui les accompagnent.  Notons en particulier l'hommage au caricaturiste New-Yorkais Al Hirschfeld animé sur le Rhapsody In Blue de George Gershwin.  Une autre nouveauté est la présentation des vignettes qui est accomplie par des vedettes telles Steve Martin, James Earl Jones et Angela Lansbury; un aspect qui n'ajoute absolument rien à l'expérience de Fantasia.  Cette version de Fantasia se termine sur une superbe vignette qui illustre le dernier mouvement du Firebird d'Igor Stravinsky.

Dinosaur (Eric Leighton et Ralph Zontag, 2000)

Le film d'animation que nous offre Disney cette année se démarque de la tradition moderne à plusieurs niveaux.   Dinosaur est un film hybride qui marie l'animation numérique 3-D des personnages (dinosaures et autres animaux) avec des décors réels photographiés partout à travers le monde.  Contrairement à Toy Story (Lasseter, 1995) par exemple, Dinosaur n'est pas un film entièrement numérique.  Il n'est pas non plus un film d'animation 2-D traditionnel.  En fait, la technique du film reprend une idée qui est née dans la série documentaire la plus populaire de l'histoire de la télévision Walking With Dinosaurs réalisée par la BBC (British Broacasting Corporation) en 1999.  Mais le film de Disney évacue toute vraisemblance paléontologique afin de plaire à son public cible.  Dinosaur se démarque aussi de la tradition moderne dans l'absence de la structure musicale classique des films d'animation.  En fait, il n'y a aucune chanson dans le film.  Il n'en demeure pas moins que Dinosaur est un film intéressant, techniquement impressionnant, mais un peu simple au niveau narratif.

The Emperor's New Groove (Mark Dindal, 2000)

Les studios Disney terminent une année excetionnelle avec un film d'animation traditionnel qui se démarque radicalement de la récente tradition.  D'abord et avant tout, The Emperor's New Groove délaisse le dessin basé sur le cercle, la marque de commerce même de l'animation Disney, en faveur d'un style beaucoup plus aigu.  Bien que Hercules avait aussi fait figure d'exception dans le dessin, ce nouveau film va beaucoup plus loin en réduisant les arrière-plans à un minimum, parfois même une seule couleur.  The Emperor's New GrooveLa structure musicale moderne est aussi absente et comme dans Dinosaur, aucun personnage principal du film ne chante de chanson.  Seul Tom Jones apparaît lors de la pièce d'ouverture.  Sting avait d'ailleurs composé plusieurs autres chansons pour le film, suivant la structure musicale moderne, mais ces dernières furent coupées en cours de route et ce dernier n'est entendu qu'en générique final.  L'humour du film est aussi bien différente des films précédents et une farce n'attend pas l'autre dans ce film où les personnages brisent régulièrement le quatrième mur en s'adressant directement aux spectateurs.  Le running gag (farce répétée) est aussi de la partie.  Finalement, avec ses farces rapides, le mickey-mousing musical et le style graphique du film, The Emperor's New Groove ressemble plutôt à un film d'animation de Warner Brothers, Bugs Bunny par exemple, qu'un film de Disney. 

Atlantis : The Lost Empire (Gary Trousdale et Kirk Wise, 2001)

Les deux réalisateurs de Beauty and The Beast et The Hunchback of Notre Dame présentent cette année leur troisième long métrage d'animation.  Hommage évident à l'univers de Jules Verne, 20 000 Lieux sous les mers en particulier, Atlantis poursuit la nouvelle tendance d'évacuer la structure musicale des films Disney et présente une narration classique où l'humour s'adresse d'avantage aux adultes qu'aux enfants.  Néanmoins, le film n'est pas une réussite.  De très belles images et quelques séquences d'action bien réalisées ne réussissent tout de même pas à surmonter les faiblesses d'un scénario prévisible, mal rythmé et bien peu original.  A mi-chemin entre un film pour enfant et un film d'animation moderne (Titan A.E. du studio Fox par exemple), Atlantis a manqué le bateau... 

Beauty and The Beast IMAX (Kirk Wise et Gary Trousdale, 2002)

Suite au succès de Fantasia 2000, Disney répète l'expérience IMAX en ce 1er janvier 2002 avec l'un des films les plus aimés de leur filmographie : Beauty and The Beast.  Il s'agit essentiellement du même film qu'en 1991 auquel les réalisateurs ont réintégré une scène qui avait été coupée de la version originale.  Il s'agit de la chanson "Human Again" chantée par les objets vivants qui nettoient le château afin de créer une atmosphère propice à l'amour entre Belle et la Bête.  La scène, qui était déjà présente dans la version théâtrale de Broadway de Beauty and The Beast, est parfaitement intégrée au film.  Outre cet ajout, quelques modifications numériques ont été apportées au film afin d'enrichir les décors et les personnages en arrière-plan, beaucoup plus visibles sur l'écran IMAX qu'au cinéma traditionnel.  Malgré toute la beauté de l'image, c'est dans le mixage sonore que le film profite le plus du système IMAX.  Enveloppant et riche, la trame sonore de cette version du film est extraordinaire : les rugissements de la Bête font vibrer les sièges de la salle et la musique semble venir d'un orchestre symphonique caché derrière l'écran.   Finalement, Beauty and The Beast IMAX est mieux adapté au format géant que l'était Fantasia 2000 et malgré quelques problèmes mineurs, résultat du grossissement d'une image créée pour un format plus petit, l'expérience conserve toute la magie du visionnement original et y ajoute même un peu.

Beauty And The Beast     

Peter Pan : Return to Neverland (Robin Budd et Donovan Cook, 2002)

Toujours à la recherche de nouvelles sources de revenu, le studio Disney tente une nouvelle expérience en ce début 2002.  Peter Pan : Return to Neverland est la suite de Peter Pan (Geronimi, Jackson, Luske,1953) et comme les autres sequels de films d'animation Disney, The Lion King II : Simba's Pride (LaDuca, Rooney, 1998), The Little Mermaid II : Return to the Sea (Kammerud, Smith, 2000) et The Hunchback of Notre-Dame II (Raymond, 2002) pour ne nommer que ceux-là, il s'agit d'un film produit par les studios d'animation télévisuelle de Disney.  Il en résulte un produit visiblement inférieur aux films originaux au niveau de l'animation, du récit et même de la musique et des chansons.  Aussi, ces films s'adressent à un public cible encore plus jeune que les oeuvres traditionnelles du studio.  Les budgets plus restreints du domaine télévisuel font en sorte que ces films sont produits directement pour le marché de la vidéo.  Malheureusement, ce n'est plus le cas et le succès commercial de Return to Neverland laisse présager que Disney lancera dorénavant quelques sous-produits en salles avant leur exploitation vidéographique.  Couplée aux nouveaux lancements des films modernes en version IMAX, la production d'animation télévisuelle exploitée en salles de cinéma risque de nuire à la bonne réputation du studio Disney même si certains de ces vidéos s'avèrent satisfaisants, Aladdin and the King of Thieves (Stones,1996) par exemple.       

Lilo & Stitch (Dean Deblois et Chris Sanders, 2002)

Depuis le début de la quatrième ère de l'historique du studio Disney, nous avons eu droit à des films très différents : du banal Dinosaur au décevant Atlantis, Disney a tenté de nouvelles expériences mais avec bien peu de succès.  Lilo & Stitch par contre, est un film d'animation remarquable.  Les premiers moments du film laissent supposer qu'il s'agira d'un récit de science-fiction mais il s'agit en fait d'un film touchant et drôle qui explore l'importance de la famille, même si celle-ci est déconstruite.  Premier film Disney depuis Dumbo (Sharpsteen, 1941) à présenter des décors peints à la gouache, Lilo & Stitch est aussi le premier film d'animation à présenter une trame musicale composée des chansons d'Elvis Presley.  Le résultat final est un délice pour les sens.  Malgré les nombreux clichés concernant les habitants des îles hawaïennes, ce film demeure original dans sa présentation et le personnage principal, Stitch, passe d'un être très peu sympatique à un fidèle compagnon pour Lilo, la jeune fille qui l'adopte.  L'aspect "mouton noir de la famille Disney" a d'ailleurs été abondamment illustré dans les bandes annonces du film dans lesquelles Stitch ruine plusieurs scènes importantes des films The Little Mermaid, Beauty and the Beast, Aladdin et The Lion King.  Plusieurs autres références se retrouvent dans le film lui-même incluant un clin d'oeil à Godzilla et aux hommes en noir de Roswell.  Finalement, Lilo & Stitch, tout comme The Emperor's New Groove, prouve que les artistes chez Disney comprennent bien que le monde change et que les récits des films, même ceux produits pour les enfants, se doivent aussi d'évoluer.

 

Treasure Planet (Ron Clements et John Musker, 2002)

Les réalisateurs d'Aladdin et Hercules puisent à nouveau dans la littérature pour adapter une oeuvre bien connue et en faire un film original et divertissant.   Inspiré du roman Treasure Island de Robert Louis Stevenson, qui avait d'ailleurs déjà été tourné par les studios Disney en 1950 par Byron Haskin, Treasure Planet reprend l'histoire du jeune Jim Hawkins dans un contexte futuriste.  À la fois un film de pirates traditionnel mais aussi un film de science-fiction moderne, Treasure Planet est une oeuvre hybride à plusieurs niveaux.  D'abord, la traduction des conventions du film de pirates dans le contexte d'un film de science-fiction est très bien rendue : les navires flottants, la lune qui se révèle être un port interstellaire et l'ensemble des personnages principaux et secondaires appartiennent clairement aux deux mondes.  En fait, les réalisateurs ont baptisé la "loi du 70% / 30%" pour désigner le ratio de modernité (30) contre la quantité de contenu traditionnel (70) dans le film.  Visuellement, Treasure Planet s'inspire beaucoup du style de l'école de Brandywine, des illustrations traditionnelles d'artistes américains du début du XXième siècle comme Howard Pyle, N. C. Wyeth et Maxfield Parish.  Il en résulte une image riche et satinée, aux couleurs chaudes et uniformes qui lie le film aux traditions visuelles des romans de l'époque.  Le film marie aussi l'animation 2D et l'animation 3D avec beaucoup de succès donnant aux décors plus de vie et à certains personnages, le chef cybernétique John Silver par exemple, une crédibilité accrue.   D'ailleurs, la film présente une panoplie de personnages originaux : la capitaine féline Amelia, le robot détraqué B.E.N., le docteur aux traits canins Doppler et une foule d'extra-terrestres qui auraient aussi une place dans Lilo & Stitch.   Treasure Planet partage d'ailleurs plusieurs points en commun avec ce dernier film incluant la mise en scène d'une famille monoparentale (une femme dans les deux cas est le seul parent présent au début du film), quelques éléments empruntés à la science-fiction et des images sublimes.  Bref, il s'agit d'une autre réussite pour le studio Disney.

Brother Bear (Aaron Blaise et Robert Walker,  2003)

Les films de Disney ont déjà exploité avec beaucoup de succès le monde animal dans Bambi et The Lion King mais Brother Bear partage plutôt des liens étroits avec Pocahontas.   Vaguement inspiré de quelques éléments de la culture inuit, le moteur principal de l'action qui consiste à apprendre à voir le monde avec les yeux d'un autre (dans ce cas-ci un ours) a été exploré à outrance dans le cinéma d'animation, un média qui se marie bien à la transformation des personnages, qu'elle soit physique ou psychologique.   Pocahonats apprend à John Smith de respecter la nature.  Il suffit de remplacer la culture amérindienne pour celles des Inuits et le tour est joué.  Empruntant aussi quelques moments à The Lion King, Brother Bear semble anachronique dans le contexte des récentes productions du studio, notamment Lilo & Stitch et The Emperor's New Groove.  Malgré l'aspect traditionnel de la morale de cette histoire (l'importance de l'amour fraternel), le film présente des images époustouflantes de la nature de l'Amérique du Nord avec des couleurs exceptionnellement vivantes.  Phil Collins, qui avait déjà participé à la production de Tarzan, nous livre quelques chansons qui remplissent bien leur mandat mais sans plus.  Mentionnons tout de même les performances de Dave Thomas et Rick Maranis, deux orignaux comiques qui ne sont pas sans rappeler les célèbres personnages de la série SCTV, les Canadiens Bob et Doug McKenzie.  Finalement, Brother Bear a innové dans la présentation du film en deux formats cinématographiques différents.  Les 24 premières minutes du film, alors que le personnage principal est un homme, sont présentées dans un ratio de 1,85:1 mais lorsque ce dernier est transformé en ours, le film est présenté en cinémascope, un ratio de 2,35:1.  Ce changement, couplé à un enrichissement des couleurs et des sons ambiants, vient souligner brillamment la transformation que subit le personnge principal.  Malgré ses quelques points positifs, Brother Bear est bien peu original (un peu orignal quand même), et la narration démodée souligne à nouveau la confusion qui règne au sein de la direction du studio Disney vis-à-vis des ses films d'animation.  

Home on the Range (Sanford II, Finn, 2004)

Signalant la fin de la production des longs métrages en animation traditionnelle, Disney termine avec un film plutôt ordinaire.  Le succès commercial décevant des derniers films Disney (exception faite de Lilo & Stitch) se poursuit avec Home on the Range qui n'offre rien d'original malgré une prémice intéressante : trois vaches s'improvisent chasseurs de primes et tentent de sauver la ferme.  Comme Brother Bear, ce film épouse des valeurs et un type d'humour anachronique pour un jeune public qui apprécie Shrek (Dreamworks) et The Incredibles (Pixar).   Malgré quelques moments drôles et une poursuite finale dans les tunnels d'une mine, Home on the Range n'a rien d'étonnant ou de novateur.  La compétition de plus en plus forte de la part des autres studios produisant des films en animation numérique a causé la perte des films en animation traditionnelle de Walt Disney, mais le studio a déjà surmonté des obstacles de taille incluant l'occupation même de tous ses locaux par les forces armées américaines pendant la deuxième guerre mondiale.  Une certaine période de latence et d'adaptation s'avère maintenant nécessaire mais Disney survivra à cette épreuve et peut-être auront nous droit à une nouvelle ère de gloire dans les années à venir.

Publié dans Cinéma

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