La publicité en mouvement

Publié le par Mouton Fou Le Grand

Publicité : le client sera roi
 
 
Annabelle a décidé de passer un week-end "déconnecté". L'écran numérique qu'elle porte sur elle n'a pas reçu de sollicitation commerciale ni de messages de son réseau de relations. Mais, dès lundi, la réalité reprendra ses droits. Tout au long de la journée, elle ne cessera d'interagir avec les différents dispositifs numériques, écrans, puces répartis dans son environnement... Car désormais, les marques avec lesquelles elle a décidé de nouer une relation la connaissent personnellement. Son magasin de sport favori, par exemple, vient de lui envoyer un minireportage sur le dernier marathon de Shanghaï. Grâce à lui, elle connaît les temps des vainqueurs, mais aussi les nouveaux modèles de chaussures qu'ils portaient. Elle pourra les tester virtuellement grâce à son avatar en 3D, et passer commande sans même préciser sa pointure.
 


Publiphobie en hausse

Une étude Ipsos commandée par l'agence Australie, rendue publique en novembre, relève un décrochage entre les Français et la publicité. Ils sont désormais 30 % à se déclarer publiphobes, contre 25 % en 2004. Ils sont aussi plus nombreux à juger la publicité envahissante (79 %), banale (65 %) et agressive (58 %).


 

 
Dans combien d'années cette relation intime entre une marque et son client sera-t-elle banalisée ? Peut-être en 2012 ou en 2020. Les entreprises se souviendront alors du moment où les publicitaires ont dû se remettre en question. "Dans dix ans, on se repassera certains films de pub et on se demandera comment les gens étaient assez naïfs pour croire à ces représentations stéréotypées. La pub sera alors en prise directe avec la réalité, elle interviendra à des moments précis de la vie des gens", estime Stéphane Xiberras, coprésident de l'agence BETC Euro RSCG.

"En termes de marketing, le coup de force et l'intrusion ont disparu. Aujourd'hui, il nous faut obtenir l'autorisation des consommateurs", renchérit Marie-Laure Sauty de Chalon, PDG de l'agence de conseil en médias Aegis Media (Médias, votre public n'est plus dans la salle, Ed. Nouveaux débats publics, 259 p., 18 euros). Une relation renouvelée entre les marques et les clients qui doit beaucoup à Internet.

Car les internautes, sur le Web, ont entrepris de faire évoluer le rapport de forces. Ils discutent des mérites comparés des produits, partagent leurs expériences, défont des réputations et critiquent les discours marketing. Ils sont, selon Delphine Beergabel, de l'agence DDB, "de plus en plus éduqués, et les marques doivent entrer dans une ère de dialogue". Certaines, déjà, explorent ces nouvelles pistes de communication et se lancent dans la création de contenus. Ainsi, la marque de rasoirs Wilkinson a lancé, il y a quelques mois, avec l'agence JWT, une campagne baptisée "Fight for kisses". Au coeur du dispositif : un site Internet accompagné d'un jeu vidéo à télécharger. Celui-ci met en scène un bébé prêt à se battre contre son père, concurrent redoutable après s'être rasé de près, pour obtenir les baisers de sa mère. La chaîne de restauration rapide Burger King est allée un cran plus loin aux Etats-Unis avec son agence Crispin Porter & Bogusky : les clients ont accepté de payer pour obtenir un jeu vidéo conçu par la marque.

Mais la création de contenus ne se limite pas au jeu. La musique est aussi un filon à exploiter. Comme l'est la production de programmes courts ou d'émissions. Dolce Gusto vient ainsi de donner carte blanche à Jamel Debbouze pour écrire des sketches uniquement diffusés sur Internet. "Il y a une logique de création d'audience. Les marques vont devenir des médias à part entière", commente Philippe Simonet, cofondateur de l'agence Publicis Net.

Pour nouer ce lien avec le consommateur, les marques cherchent aussi à le faire interagir. Tout récemment, l'agence BETC Euro RSCG a monté une opération pour le site Internet de vente aux enchères eBay. Elle a organisé une vente dont l'enjeu était d'être sélectionné pour tourner un spot télévisé où les heureux élus présenteraient le produit qu'ils souhaitent vendre sur eBay. De même, la marque de produits d'hygiène-beauté Dove, par sa campagne de communication sur le thème de la "beauté réelle" dénonçant les stéréotypes marketing, entretient-elle la proximité avec les consommatrices.

"Comment se différencier quand les produits se ressemblent ? Ce que l'on souhaite, c'est que la cliente dise : je vais choisir la marque qui est la plus en phase avec moi en tant qu'être humain", explique Sharon McLoad, directrice de la marque Dove au Canada. Elle a lancé un concours pour choisir douze femmes qui coécriront et interpréteront une pièce de théâtre sur le thème de leur relation avec leur corps. L'ensemble, orchestré sur Internet, donnera lieu à un documentaire diffusé sur une chaîne de télévision canadienne.

Pour être plus proches de leurs clients, les marques souhaiteraient les connaître intimement. Cela viendra. Les sites Internet communautaires comme Facebook ou MySpace, les moteurs de recherche comme Google ou Yahoo, commencent juste à essayer de "cibler" la publicité en fonction des informations que les internautes donnent sur eux-mêmes en dévoilant leurs goûts, leurs achats, leurs projets. Cette nouvelle stratégie débute à peine, mais nul doute qu'elle sera l'une des voies privilégiées dans le futur. Le tout est de convaincre la personne d'accepter ce profilage en lui donnant des contreparties, afin de ne pas provoquer un rejet. Le développement d'Internet sur le téléphone portable, qui n'en est qu'à ses prémices, devrait favoriser cette publicité individualisée. Chacun pourra alors recevoir des messages adaptés et interagir avec les dispositifs électroniques qui seront répartis dans tout l'environnement urbain.

L'enjeu, pour les marques, est enfin de transformer chaque internaute en "fan", capable de convaincre son réseau de relations d'acheter tel produit ou telle prestation. "L'idée est d'arriver à un cercle vertueux. Les publicitaires doivent créer des contenus qui intéressent les gens afin qu'ils aillent les chercher et qu'ils soient capables d'en être les ambassadeurs", conclut Valérie Accary, présidente de CLM/BBDO. Le consommateur devenant son propre publicitaire, il fallait y penser.

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