Du nouveau sur les écrans

Publié le par Mouton Fou Le Grand

Du nouveau sur les écrans
  

         

Attention ! Séries, atout stratégique et industriel pour les chaînes de télévision. "La fiction sérielle est l'enjeu majeur aujourd'hui", assurait François Sauvagnargues, responsable de la fiction d'Arte au Festival de la fiction TV de La Rochelle en septembre. L'an prochain, jamais la chaîne franco-allemande n'aura autant de séries en écriture ou en développement. Même chose du côté de Canal+, pour qui 2008-2009 est l'année des saisons 2. Après "Engrenages", voilà le 17 novembre la suite de "Mafiosa" et bientôt de "Reporters". Trois séries françaises feuilletonnantes qui ont sorti le genre de sa léthargie.

Un renouveau qui pourrait s'accélérer avec des productions que découvriront bientôt les abonnés : "Braquo" d'Olivier Marchal, "Pigalle" de Marc Herpoux et Hervé Hadmar, "Le prix du chacal" d'Olivier Assayas sur le terroriste Carlos, un feuilleton sur Bonaparte, un autre sur Versailles... Selon Fabrice de la Patellière à la tête de l'unité fiction, "l'idéal serait une série par trimestre. On a ouvert un chantier comédie". Pourquoi un tel engouement ? Parce qu'elle fidélise le public, une série permet aux chaînes d'échapper à des audiences erratiques et de compresser les coûts. En outre, le genre se vend mieux à l'étranger que les fictions unitaires, peu exportables. Elles donnent également une identité claire à la chaîne qui les diffuse. "Pour les télévisions, les séries sont des emblèmes d'état d'esprit", ajoute la réalisatrice Tonie Marshall.

Alors que les autres chaînes s'empressent de communiquer sur leurs projets, convoquent les journalistes sur les tournages, TF1, fidèle à sa réputation de forteresse, se refuse à toute indiscrétion. "C'est comme un constructeur automobile : on ne dévoile pas les plans de la prochaine voiture", se justifie-t-on à la communication de la Une. Aucune info donc aux critiques désireux de connaître les initiatives engagées par André Béraud, nouveau maître de la fiction de la Une, depuis le départ en mars de Takis Candilis et

l'arrêt de séries à héros - et ennui - récurrents, remisées au rayon des vieilleries. Mais on peut d'ores et déjà observer que la politique éditoriale de la Une évolue. En témoignait, voilà peu, la série "Flics", plus noire, plus tourmentée que les polars habituels de la Une. Même si Olivier Marchal et ses coscénaristes se sont vu rogner les ailes, au point de claquer la porte.

Désireuse de sortir du tout-policier, TF1 commanderait des projets tous azimuts, et surtout des séries comiques, la comédie étant considérée comme mieux armée pour résister aux polars venus des Etats-Unis. D'autant que, depuis le 22 octobre et la signature de la réforme des décrets Tasca fixant les obligations d'investissements dans les oeuvres de création (12,5 % du chiffre d'affaires pour TF1), sont comptées doubles les dépenses dans l'écriture et le tournage de pilotes de séries, que ceux-ci soient ou non diffusés.

POOL DE SCÉNARISTES ET DIRECTEUR DE COLLECTION

D'où les appels et la mise en concurrence de projets. "C'est là où il faut être", raconte un scénariste multichaîne. Pas question pour autant d'abandonner la veine policière, mais lui donner un coup de jeune, un style "action et aventure", à l'image de "Claire Brunetti" (titre provisoire) qui devrait prendre le relais de la vieillissante "Femme d'honneur". A la place de Corinne Touzet, une gendarmette de 28 ans, dont le frère est un repris de justice et le père politicien corrompu. Deux épisodes de 52 minutes sont en tournage pour un budget inférieur de 30 % à un traditionnel 90 minutes.

A France 3, après le remarquable "Les oubliées", avec Jacques Gamblin, "Disparitions", première série de la chaîne à avoir été conçue avec un pool de scénaristes dirigé par un directeur de collection, a été mise à l'antenne le 1er novembre. Comme aux Etats-Unis... De son côté, France 2 coproduit avec Scarlett "Risques calculés", série policière "qui fait appel à tous les nouveaux modes d'investigation". Destinée à Canal+, "Police" s'attachera à des enquêtes de l'Inspection générale des services (IGS) diligentées en cas de bavures, plaintes classées sans suite...

"La série est devenue adulte, mature, addictive", confirme Marc Herpoux, qui coécrit deux séries pour France 2 et Canal+. Tel est aussi l'avis de Tonie Marshall : "La série est le genre télévisuel par essence qui fidélise par des codes et des habitudes. Par leur monde propre, les unitaires s'apparentent au roman et sont animés d'une volonté pédagogique. Le sujet choisi pose un problème, celui-ci est résolu et suivi d'une morale." La liberté d'imagination sur 8 ou 12 épisodes séduit la créatrice de "Vénus et Apollon" : "On peut faire la Bible et Shakespeare, ressusciter des personnages, les faire trahir, retourner leur veste, s'autoriser à rendre les bons méchants ou vice-versa. Comparé au cinéma, la télé, c'est moins d'argent et de temps. Il faut bien qu'il y ait un plus. Celui-ci réside dans le parcours long donné à des personnages."

En janvier 2009, la suppression de la publicité en soirée sur France Télévisions et l'avancement de la première partie de soirée à 20 h 35 propulsera à l'antenne des séries de 26 minutes. Première en lice, un projet de Scarlett Production ("Clara Sheller", "Les Prédateurs"), intitulé "Les baby boomers". Ecrite par deux journalistes de Elle, Marie-Françoise Colombani et Michèle Fitoussi, cette série met en scène la colocation mouvementée, d'ex-babas "sexygénaires", nostalgiques de 1968 et plus infantiles parfois que leurs propres enfants.

DE LA FRAÎCHEUR ET DES ÉCONOMIES

Parallèlement au renouveau du soap à la française - le succès de "Plus belle la vie" (France 3) a fait des émules plus ou moins couronnés de succès -, une liberté de ton se propage grâce aux programmes courts, seul créneau où investissent, faute de moyens, les chaînes de la TNT, du câble et du satellite. De "Vous les femmes" sur Téva à "Futurofoot" sur Direct 8, de "Pitch Story" sur TPS Star à "Palizzi" sur 13ème RUE, cette fraîcheur s'exprime à l'économie, mais de manière ciselée. Un créneau assumé également par Bruno Gaccio et Gilles Galud (La Parisienne d'images), qui dirigent en tandem la case "La Nouvelle Trilogie", destinée à des écritures innovantes et des jeunes auteurs. Le duo reçoit 400 scénarios par an.

Dans le lot, beaucoup de films générationnels sur le modèle de "Sex & the City", des films de vampires, les comédiens vus par les comédiens, des comédies centrées sur des agences fournissant alibis aux gens mariés, le "pétage de plombs" de quadras jusqu'alors rangés, des histoires de super-héros qui vivent ensemble et se retrouvent après le travail. Sollicité par CAA (Creative Artists Agency), la plus prestigieuse agence d'artistes aux Etats-Unis, Gilles Galud s'est envolé pour Los Angeles le 3 novembre afin d'écouter des scénaristes américains désireux d'adapter les séries "Hard" et "Doom Doom" diffusées en mai sur Canal+.

"Plus la concurrence avec Internet sera rude, plus les chaînes devront proposer des rendez-vous réguliers. D'un point de vue artistique et commercial, c'est intéressant pour tout le monde, estime le scénariste Marc Herpoux. Ce qui va se jouer dans les années qui viennent sera une guerre de médias avec, au coeur de la bataille, les séries. Peut-être que les téléspectateurs auront à l'avenir la possibilité de choisir leur propre fin ?" La série, un vaste champ des possibles.

Publié dans Actualité

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